L’hiver approche et Coluche, homme clown, tristement, remet malheureusement le couvert comme les milliers de bénévoles des soupes populaires du Secours Populaire Français, de la Chorba pour tous, du Secours Catholique et bien d’autres… Car on ne se s’habitue pas à la détresse des hommes et des femmes, nos frères et sœurs, alors on résiste au froid et à la faim en donnant, donnant, donnant, années après années depuis trop longtemps… mais encore cette année … La précarité et la pauvreté ne cessent pas, au contraire !
A Noisy, c’est dans la Maison des Solidarités, nommée Coluche justement, que cela se passe. Parce qu’il faut bien que cela se passe quelque part et, chaque fois, que possible au plus près de celles et ceux qui ont besoin.
Or, au plus près, c’est où ? Pas besoin d’être urbaniste avisé pour constater que les quartiers populaire les plus denses, et notre ville n’en manque pas, sont ceux qui abritent aussi les plus fragiles, sans oublier ceux qui n’ont plus de toit que les maraudes bénévoles secourent autant que possible.
On se rappelle d'ailleurs que c’est un particulier, proche de la Cité Château de France gérée par ATD Quart Monde, qui avait mis à disposition le premier lieu d’accueil des Restos du Cœur dans notre ville. Après son décès et la vente de son patrimoine, immobilier oblige, la commune avait accepté de relayer cette action nécessaire.
C’est sans doute dans cet esprit qu’est née en 2007, La Maison Coluche, au bord du clos d’Ambert, à mi-chemin du Champy et du Pavé Neuf, mais dans un espace qui ne tardait pas à s’urbaniser. Tiens, voilà Montoit, tiens voilà Montoit, on connait tous la musique… De là à ce que quelques grincheux s’émeuvent des pauvres à leur porte, ou presque, il n’y avait pas loin. Mais peu importe les grincheux !
Alors, bien sûr, on aura pu s’étonner que la solidarité municipale passe par un loyer et une subvention en conséquence pour les Restos du Cœur. D’ailleurs, nous l’avons fait en son temps. Mais après tout, l’essentiel était bien qu’un lieu d’accueil, équipé, existe et que les bénévoles et les « bénéficiaires » - quel mot désagréable – puissent l’utiliser dans de bonnes conditions.
Alors, bien sûr, on s’étonna encore un peu plus lorsque l’on apprenait que la tentation de trier les « pauvres » aurait pu exister. Rroms, ce n’est pas bon. Noisy Résidence, pas terrible, non plus. Mais, dans une ville où le moindre squat de famille, d’Europe de l’Est bien entendu, était délogé au plus vite, dans une ville où les enfants des familles hébergées devaient s’acquitter du tarif hors commune pour la cantine, le plus cher - et au combien ! -, on ne s’étonna pas beaucoup beaucoup du coté de la majorité municipale d’alors… d’un tri implicite … de la misère…
Faut bien le dire, la Kapitale de l’Est Parisien n’aurait sans doute pas supporté l’appel d’air. Quelle mauvaise blague ! C’est vrai, un pauvre, ça va mais deux, trois, quatre, on ne sait plus où cela va s’arrêter, le tout sans vouloir se poser la question du pourquoi. Finalement, la misère, c’est toujours mieux ailleurs qu’à notre porte !
Et c’est bien cela pourtant, on ne sait plus !!! Et pour autant, on ne s’habitue toujours pas. La preuve ? Le nombre des « bénéficiaires » ne cesse de croitre. Et parmi eux, de plus en plus, des salariés pauvres et précaires, des retraités qui ne peuvent mettre au bout, des familles cassées en deux, des chômeurs, jeunes ou pas en fin de droit ou sans droit … Il n’y a pas que le RSA dans la misère et dans la survie ! Il y a aussi plein … de rien !
Alors, quand, tout d’un coup, on apprend que les Restos du Cœur sont invités à déménager avant fin décembre, ça raisonne mauvais, ça raisonne fort. Quitte à oublier l’histoire du loyer, quitte à oublier que le nombre de «bénéficiaires » augmente, quitte à oublier que les locaux mis à disposition sont, certes pratiques, mais peut-être pas aussi bien situés puisque la maison des Solidarités est cernée par les immeubles, et bientôt, sans doute, pépinière disparaissant, par d’autres immeubles.
Alors, quand on apprend dans la foulée, que la nouvelle localisation se retrouvera excentrée, qu’il s’agit d’une ancienne entreprise de pompes funèbres, même de taille bien plus conséquente que l’actuel local, on ne peut s’empêcher de penser qu’à Noisy, on a le sens du symbole. D’un seul coup, on se rappellera que déjà la première localisation envisagée de l’aire des gens du voyage, obligatoire mais jamais construite malgré la loi d’un ministre socialiste, se trouvait être sur le terrain de l’ancienne déchetterie près du bois des Yvris. Comme quoi, pompes funèbres et déchetterie, c’est toujours d’une certaine façon, ce que peuvent devenir … les vivants ! Finalement, sans l’avoir fait exprès ou pas nécessairement, les meilleures intentions font le buzz, immanquablement…
Bien sûr, Madame le Maire se fendra d’une réponse dans le Parisien du jour, réponse selon laquelle, cette affaire de déménagement était dans les tuyaux depuis près d’un an. Bien sûr, Monsieur l’ancien Maire se fendra d’une pétition en ligne et papier aux accents scandalisés. Bien sûr, Monsieur le Conseiller Départemental, ex fils putatif et conseiller municipal d’opposition, tweetera à tout va, sans omettre de facebooker via la page du PS local, contre l’horreur d’une telle décision contre les pauvres. Et bien sûr, on ne résistera pas, quand à nous, de dire qu’il faut savoir aussi balayer devant sa porte. Les enfants de Noisy Résidence et les familles hébergées s’en souviennent, elles aussi.
Mais finalement, ça dit quoi cette décision à la veille des fêtes, en cette fin novembre ? Cela dit en premier que la communication municipale n’a pas fonctionné malgré les annonces de plus de concertation. Cela dit que les responsables des Restos du Cœur sont étrangement silencieux, au moins au moment où ces lignes sont écrites. Cela dit que le choix de la nouvelle localisation n’est pas aussi judicieux qu’il n’y parait et qu’à vouloir aller trop vite, on peut se prendre les pieds dans le tapis. Cela dit que le fait d’avoir 350 m² utile au lieu de 150, même avec des parkings et des facilités pour les livraisons, cela ne règle pas l’éloignement de nombreux « bénéficiaires » du lieu de distribution. Cela dit que l’avis des « bénéficiaires » et des bénévoles pourrait avoir compté pour du … beurre. Le comble ! Et cela veut dire, enfin, qu’il ne peut être question d’instrumentaliser la pauvreté et la précarité à des fins de mauvais règlements de compte politicien. En tout cas, ce n’est pas notre volonté et nous laissons cette petite manœuvre à ce qu’elle est… une petite manœuvre facile et médiocre.
Donc, de deux choses, l’une, soit les Restos du Cœur confirment que cette proposition de déménagement à leur assentiment. Soit, dans l’hypothèse où ce ne serait pas le cas, la ville accepte d’étudier une nouvelle solution et gèle le déménagement prévu courant décembre. Enfin, ne dédaignons pas la question de l’éloignement de nombreux « bénéficiaires » du site envisagé. A l’évidence, le transport est une véritable difficulté qu’il faut résoudre avec le respect que méritent les hommes et les femmes pour qui la nécessité exige la solidarité. Et celle-ci n’est pas une affaire de « bénéfice » mais de dignité !
On a le droit de voir rouge
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