Monsieur le Député Maire, Mesdames, Messieurs
Le caractère exceptionnel de ce second conseil de la semaine, le lieu choisi pour la première fois à notre connaissance depuis 1995, ont retenu toute notre attention.
Nous avons bien compris, Monsieur le Maire que vous souhaitiez avec votre majorité donner un écho particulier à cette réunion comme s’il fallait renforcer par avance la gravité et l’importance du vœu que vous soumettez à notre approbation.
Néanmoins, autant le dire d’emblée, organiser un conseil municipal dans un quartier, voilà une excellente idée à laquelle nous aurions du penser plutôt. Aussi nous regretterons qu’il faille « un certain nombre de faits graves … dans le quartier du Pavé Neuf » pour qu’une telle initiative voit le jour. Nous espérons donc, malgré l’évidente dramatisation de la note de présentation de ce soir, que ce premier rendez-vous des élus en séance dans ce quartier en annoncera d’autres.
Après la mise en place de premiers conseils consultatifs et malgré leurs limites, de notre point de vue au moins, il y aurait là un prolongement utile sur le plan de la proximité des élus avec la population.
Mais venons-en au vœu proposé ce soir. Nous venons de le dire, nous avons été frappés par la dramatisation du propos liminaire. Nous ne sommes pas de ceux qui estiment qu’agressions, vols et destructions sont tolérables. Oui, il est indispensable qu’une victime obtienne réparation et qu’à ce titre le ou les responsables de faits délictueux soit poursuivi et empêché de récidiver de façon appropriée, fussent-ils mineurs.
Il n’y a aucun doute sur ce point, comme il n’y aucun doute sur le fait qu’une succession d’actes violents et de malveillance met à mal la qualité de vie des habitants de notre ville. Brûler des locaux ou des véhicules et brutaliser pour les voler des habitants, des passants ou des salariés qui travaillent dans ce quartier, ce n’est pas acceptable et nous ne l’acceptons pas.
Pour autant, notre sentiment, ce soir, est partagé car nous avons l’impression, le caractère solennel de ce conseil le confirme, qu’il ne s’agit pas seulement du seul enjeu de la sécurité des habitants du Pavé Neuf.
Vous essayez, Monsieur le Maire, de faire croire que seule la politique nationale de la Ville, celle du gouvernement, est en cause et ce point de vue nous semble beaucoup plus nuancé que vous voulez le dire avec ce vœu. Qu’il faille dire haut et fort que le dispositif ANRU est un échec patent ou que les gouvernements de droite successifs n’ont pas tenu leurs promesses envers les banlieues, nous n’avons aucun problème pour le dire avec vous. C’est vrai !
Que l’absence de réponse au projet ANRU de la ville de Noisy le Grand soit la seule raison du sentiment d’abandon de la population du Pavé Neuf, nous ne le croyons pas.
Vous le savez parfaitement bien, Monsieur le Maire, le projet ANRU sur lequel se bat la ville depuis plusieurs années, ne concerne pas seulement le Pavé Neuf. C’est, aussi, bien d’autres quartiers de notre ville comme la Butte Verte, le Mont d’Est avec la faisabilité, envisagée un temps, de la démolition du Palacio d’Abraxas, par exemple. C’est aussi, croit-on se souvenir, Château de France et le foyer Aftam.
Que l’Etat et l’équipe gouvernementale actuelle ne respectent pas leur parole, nous en sommes convaincus mais pour autant, est-ce la seule raison de nos difficultés d’aujourd’hui ?
Vous dites que « les 9000 habitants du Pavé Neuf, souvent issues de classes populaires, travaillant dur et dans des conditions précaires attendent un soutien fort de la puissance publique et qu’ils ne peuvent se résoudre à être les otages d’une poignée de délinquants qui voient dans le Pavé Neuf un territoire de trafics propices à une économie souterraine dont ils sont les seuls bénéficiaires ».
Mais, Monsieur le Maire, c’est le cas dans d’autres quartiers de la ville. Pas plus tard que la semaine dernière, le Parisien s’en est fait l’écho à propos d’interpellations pour trafic de cannabis dans le quartier du Champy.
Non, Monsieur le Maire, nous ne pouvons nous contenter que de cela. La puissance publique, c’est aussi la ville même si, nous le savons bien, elle ne peut pas tout. Pour autant, elle peut faire et elle a fait.
Rappelons-nous les Arpenteurs urbains que l’on n’a pas pérennisés, préférant à ceux-ci, une police municipale. La ville avait fait pourtant la démonstration concrète qu’au delà de la seule répression, la prévention pouvait être une réponse efficace auprès d’une jeunesse en difficulté.
Ce qu’il y a de curieux, Monsieur le Maire, c’est que la même note de présentation le dit en indiquant « qu’aujourd’hui au Pavé Neuf, nous rajouterons partout en France, cette jeunesse est niée, stigmatisée voire sacrifiée ». Et face à cela, vous nous proposez de doubler les caméras de vidéosurveillance, faisant vôtres les propositions de Mme Alliot Marie et du Président Sarkozy, les mêmes qui vous refusent avec Mme Boutin et avant M. Borloo d’instruire le dossier ANRU ?
Il y a là une contradiction qui nous échappe puisque vous allez même jusqu’à vouloir obtenir le bénéfice de leur financement par le biais du Fond Interministériel de la Prévention de la Délinquance, véritable tour de passe- passe sémantique et budgétaire qui fait passer la vidéosurveillance généralisée pour de la prévention !!!
Monsieur le Maire, au risque de vous déplaire, nous ne mangeons pas de ce pain là et nous vous mettons en garde car il en est que trop qui se sont ralliés à la politique sécuritaire de ce gouvernement pour faire face aux difficultés sociales grandissantes dans ce pays. Il y aurait donc des réponses publiques qui dépassent les clivages politiques ?
Nous ne sommes pas d’accord. Le terrain du tout sécuritaire, cher au Président de la République, on en connaît, vous et nous, l’ambition… C’était celle de prendre des voix à l’extrême droite.
Vous comprendrez que nous ne puissions partager la banalisation de cette approche.
Dans le même temps, vous demandez, en outre, le rétablissement d’une police de proximité. Pourquoi pas ? En effet, personne ne conteste que la présence réelle dans les quartiers d’une police connue et reconnue, pas seulement sous l’angle de la seule répression, est un bon moyen d’aider à une certaine paix sociale.
Si nous souscrivons a priori à cette idée, nous la pensons efficace que si de véritables actions de prévention sont organisées et maintenues dans la durée. Nous la pensons efficace que si est amplifié le soutien aux associations qui œuvrent sur le terrain, non pas comme satellites de la mairie mais simplement pour leur efficacité auprès des populations, jeunes ou moins jeunes. La Direction du Développement Urbain de Noisy le Grand en a sans aucun doute une vision précise grâce à sa longue expertise accumulée au fil des ans.
Nous l’avons dit et redit, Monsieur le Maire, tout dernièrement, d’ailleurs, lors du vote du budget, Noisy le Grand a encore les moyens d’un effort encore plus significatif en faveur de ses concitoyens défavorisés. Nous dirions même que notre ville n’a pas le choix car, effectivement, le moindre sentiment de relégation sociale doit être combattu en permanence.
Avec plus de 10 millions d’euros budgétés tous les ans depuis plusieurs années pour procéder à de très nombreuses acquisitions foncières, vous comprendrez que nous puissions penser que notre ville possède les marges budgétaires nécessaires pour intervenir encore plus fortement dans les quartiers qui le nécessitent.
Mesdames, Messieurs, chers collègues, nous ne sommes pas convaincus que la réussite du dossier ANRU soit la seule solution aux maux que l’on veut dénoncer ce soir. C’est un enjeu, certes mais pas le seul. Voulez vous des preuves ? Nous en avons tous autour de cette table et, sans doute dans le public qui nous écoute. A chaque fois que la ville a choisi d’investir positivement dans les quartiers, elle n’a pas perdu son temps. Plus encore, elle a redonné confiance aux habitants concernés. Plus encore, elle les a respectés.
Allons nous mettre en cause la Mission Locale pour l’Emploi, la Maison des Services Publics, même si l’Etat s’est gravement désengagé ? Allons-nous fermer la salle de boxe et les clubs de jeunes ? Allons-nous démolir le Jardin des Sources ? Allons-nous interrompre le beau succès de la fête de ce quartier ? Non, personne n’y songe ici. Ou alors, c’est que nous marchons sur la tête !
Pour les élus de « Noisy Solidaire, à gauche vraiment », il est indispensable que l’on amplifie ces actions positives, que l’on en développe d’autres et que surtout, pour la jeunesse, soit multipliée la présence d’adultes dans nos quartiers car vous avez raison de dire, Monsieur le Maire, il ne faut pas laisser cette jeunesse « qui est l’avenir de notre ville » rester en déshérence et inquiète pour son futur.
Les pistes pour des actions nouvelles sont connues. Vous les connaissez mieux que nous ! Renforçons les actions périscolaires dans les quartiers où se concentrent exclusion et précarité. Appuyons, encore et encore, l’action des équipes enseignantes, de l’accueil du tout petit jusqu’au collège. Soutenons et aidons au développement des associations, y compris en optimisant la mise à disposition de locaux tout en respectant leur indépendance. Continuez, continuons, comme cela a déjà été fait, à mobiliser la ville avec les bailleurs et les copropriétaires !
Et, peut-être, faut-il décider avec l’appui de la CAF la création d’urgence d’un Centre Social dans le quartier afin d’amplifier des mécanismes de solidarité indispensables envers des populations plus fragiles ?
Un véritable plan « Marshall » des banlieues, ce peut être cela, même s’il faut aussi agir sur l’urbanisme du quartier pour le rendre encore plus agréable et plus ouvert. Avec prudence toutefois concernant l’urbanisme façon ANRU qui s’est traduit, ici ou la, sur l’application du principe « démolition-reconstruction » avec lequel le solde des logements reconstruits s’est souvent retrouvé négatif par rapport à ceux démolis.
Et pour cela, au-delà du dispositif ANRU, il en va aussi de notre responsabilité commune, majorité et opposition, ici, à Noisy le Grand. Que l’État prenne sa part en arrêtant de diminuer le soutien financier aux associations qui participent du lien social ! Qu’il arrête sa politique de casse des services publics, celle de l’Education Nationale en particulier si importante dans nos villes… tout cela, Monsieur le Maire, nous le crions avec vous sans aucune difficulté.
Mais que l’on ne fasse pas croire aux habitants de ce quartier, que seul, le déblocage du dossier ANRU va apporter la bonne solution. Pour conclure, en m’excusant d’avoir été trop long sans doute mais le sujet est tellement important, nous ne voterons pas ce vœu, Monsieur le Maire.
Nous ne voterons pas un vœu dont le principal souci semble être l’angle de la répression et de la critique, sans aucun doute justifiée mais partielle, de la politique de la ville de ce gouvernement.
Nous ne voterons pas un vœu qui parle de « citoyens de seconde zone » et qui ne propose que police et doublement de la vidéosurveillance…
Merci de votre patience
Pour les élus de « Noisy Solidaire, à gauche vraiment »
Etienne DOUSSAIN